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Planter en courbe de niveau, plus d’un avantage

Planter en courbe de niveau, plus d’un avantage

L’hiver, la saison des plantations

L’hiver au pays des steppes tunisiennes, c’est la haute saison à la ferme. Et parmi les nombreux travaux que nous devons réaliser, les plantations sont une priorité.

Nous avons pu cette année entreprendre des plantations d’arbres fruitiers dont les récoltes seront destinées à la commercialisation. Notre choix se porte sur les fruits secs d’abord afin de répondre à certaines contraintes. Nous avons opté pour les amandiers car comme les oliviers, ils résistent bien à la sécheresse. Autres considérations importantes pour nous: les récoltes et les aspects économiques. Les amandes peuvent se récolter sans trop de précautions, une fois écalées et séchées à l’air libre, elles se conservent aisément sans dispositif spécial. Et, économiquement, c’est un produit toujours demandé, quelle que soit sa forme, et bien valorisé (mieux que les olives par exemple).

On plante tout l’hiver en Tunisie car les températures, ni trop froides ni trop chaudes le permettent. Les arbres sont en repos végétatif, ainsi le stress lié à la transplantation est diminué. Cela laisse aussi le temps aux racines de s’installer avant le débourrement du printemps.

Les courbes de niveau , c’est quoi?

Les courbes de niveau, la plupart des randonneurs les connaissent bien. Car ils étudient la carte topographique de leur parcours attentivement pour déterminer le dénivelé, c’est à dire la hauteur verticale parcourue. Les courbes de niveau nous renseignent sur le relief, elles représentent les points situés à la même altitude. Sur une carte, elles sont espacées en suivant des sauts d’altitude fixes. Par exemple, on trace une courbe à chaque fois que l’altitude change de 10m. Ainsi leur écartement sur la carte nous indique la raideur de la pente: plus les courbes sont éloignées, plus la pente est douce, et inversement, plus les courbes sont rapprochées, plus la pente est raide.

Courbes de niveau
Courbes de niveau

Petit rappel sur le cycle de l’eau

Il est bon de se rappeler que l’eau s’écoule par le chemin le plus rapide, c’est à dire dans le sens la pente ou autrement dit perpendiculaire aux courbes de niveau.

Lorsque l’eau emprunte le chemin le plus rapide, elle gagne en énergie motrice: elle se déplace plus vite et elle entraine avec elle toutes particules plus ou moins grosses. Elle est pressée de retourner à l’océan! Mais ce raccourci direct, ampute toute une dimension du cycle de l’eau: la dimension locale. La plupart de cette eau de pluie devrait prendre le chemin le plus long vers l’océan, celui du sol. Car ce chemin plus long est celui qui comporte le plus d’interactions bénéfiques avec le milieu. En s’infiltrant dans le sol, l’eau abreuve toute la flore et la faune au dessus et dans le sol. En poursuivant sa descente au travers des strates, elle se purifie et rejoint les nappes phréatiques. Ces nappes phréatiques alimentent à leur tour les systèmes hydrologiques terrestres: sources, cours d’eau, lacs. Et à plus ou moins long terme, chaque goutte d’eau reviendra à l’océan.

Cycle de l'eau permaculture

Planter en lignes sur un terrain en pente, peu d’avantages

L’évidence que l’eau est nécessaire à la production de notre nourriture doit bel et bien être rappelée. Dans cette époque d’euphorie consumériste, l’eau n’a pas échappé à l’inconscience collective. Entre dérèglement climatique et pratiques insoutenables, le cycle de l’eau est perturbé. Une grande partie de l’eau qui tombe sur les terrains agricoles, sur les terres dégradées, sur les terres arides prend le raccourci vers l’océan. Elle s’infiltre peu, car rien ne la retient. Elle ruisselle, et emporte avec elle la partie la plus fertile du sol.

Notre parcelle a été planté au cordeau, sans considération pour le relief. Les oliviers forment des rangs stricts, tels des soldats obéissants. Cette disposition a ses avantages, essentiellement liés au travail mécanisé, ainsi que pour calculer des rendements.

Mais ces avantages ne compensent pas les conséquences néfastes quant à la circulation de l’eau. En effet les courbes de niveau dans leurs applications agronomiques sont intimement liées à la circulation de l’eau sur le terrain. Dans notre champ d’olivier plantés en ligne, où les précédents propriétaires ont en plus enlevé les buttes antiérosives, le ruissellement était important. Si important qu’un canyon s’est formé dans les parcelles en contrebas de la nôtre. 

Si nous n’avions pas rétabli dans un premier temps les buttes antiérosives, le canyon aurait à court terme creusé notre terrain aussi. Inutile de dire qu’un canyon en plein milieu ça complique bien plus le travail qu’une butte antiérosive. Même si, les permaculteurs que nous sommes aurions pu transformer ce problème en opportunité…

Gérer l’eau efficacement

Ainsi, pour que l’eau de pluie (ou d’irrigation) prenne le chemin le plus long et le plus bénéfique, on applique un principe essentiel en permaculture “Freiner, stocker, répartir” les énergies.

Freiner l’eau peut se faire de diverses manières, les plus simples étant de mettre des obstacles sur son passage. C’est ce que l’on fait en mettant des pierres dans une ravine, de façon rudimentaire ou plus élaborée (gabions). C’est ce que l’on fait aussi à plus grande échelle avec les buttes antiérosives en courbes de niveau (donc horizontales).

Swales en action, janvier 2015 à L'ombre du palmier centre de permaculture en Tunisie

Ces dispositifs vont de fait entrainer les deux autres composantes du principe. L’eau arrêtée momentanément par les obstacles va avoir le temps de s’infiltrer en amont. En disposant des buttes ou des barrages de pierres régulièrement sur la pente, l’eau sera répartie sur le terrain.

Lorsqu’on plante en courbes de niveau, on crée des barrages perpendiculaires aux flux de l’eau. Lorsqu’on irrigue, les mêmes effets bénéfiques se produisent: l’eau est mieux répartie, et elle s’écoule lentement. Ce qui ouvre à nouveau des perspectives d’irrigation gravitaire ou par inondation, mais économes en eau et en travail, et surtout durables (économiquement et pour l’environnement). Le goutte à goutte n’est pas à la hauteur de ses prétentions, ni quant à l’économie d’eau, ni pour l’environnement, ni pour le travail. Le matériel se dégradant très vite, entre les fuites, les tuyaux bouchés, le plastic… l’illusion d’un gain pour les paysans disparaît vite. Avec un système combiné de bandes d’irrigation et de grosses conduites à durée de vie raisonnable, on peut retrouver un système d’irrigation plus performant au niveau agronomique et environnemental. Performant car l’eau dessert toute la surface racinaire et favorise son développement. Aussi, l’eau répartie sur une plus grande surface de terrain maintient une dynamique vivante au delà des plantes productives, assurant une plus grande stabilité de l’écosystème. C’est les aménagements que nous ferons au fur et à mesure pour nous débarrasser du goutte à goutte tout en gardant un système pratique.

La plantation en courbes de niveau favorise l’infiltration de l’eau sur le terrain, et ainsi c’est toute une chaine à effets positifs qui se met en route. L’eau et les nutriments étant retenus, la vie du sol se réactive pour entretenir la fertilité et la santé des plantes.

Quant au travail mécanique, il est tout à fait possible entre les rangées d’arbres et ses effets négatifs seront amoindris. C’est juste une habitude à prendre de sillonner plutôt que d’aller en lignes droites.

En pratique, comment s’y prend-on?

En Tunisie, les cartes topographiques ne sont pas disponibles. Dans tous les cas, elles dispensent rarement d’une étude à l’échelle de la parcelle. 

Si les buttes antiérosives existent sur le terrain, il suffira de planter en parallèle à celle-ci. Si des variations de reliefs importantes existent, les lignes d’arbres peuvent changer de direction. Pour faire la jonction entre deux directions, c’est au cas par cas. On prend en considération les espaces nécessaires aux passages, la praticité pour les récoltes…

De fait, en positionnant les lignes d’arbres en parallèle à une courbe, on ne sera plus forcément tout à fait à l’horizontale. Ce n’est pas un problème car la pente ainsi crée sera assez faible et elle dirigera l’eau vers des zones plus sèches situées légèrement plus haut en altitude.

Si les buttes n’existent pas, il faudra alors déterminer quelques courbes de niveau principales. Ceci peut se faire simplement à l’aide d’un niveau égyptien ou d’une lunette de chantier.

 

 

 

4 Comments

  1. Yasmina

    Bonjour et merci pour cet article à la fois complet et synthétique. Ceci s’applique t il quelque soit le niveau de dénivellé ? Nous avons un dénivellé de 2m sur notre parcelle, avec des courbes de 50cm d’ecart tous les 40m : la création de gabion se justifie t elle ?

  2. jérôme

    Bonjour

    avez-vous un retour d’expérience positif ou négatif à partager sur la culture sur courbes de niveau et sur la sous soleuse yeomans ?
    cordialement

    • Corinne Abbassi

      Bonjour Jerôme, merci pour votre question. Oui on a plutôt un avis positif sur cette approche. Le travail du sol en parallèle à une courbe a des effets à long terme, même si chez nous en conditions aride, les résultats sont plus lents. Par contre, il est indéniable que la charrue couplée au semoir est un avantage, vue qu’on effectue le semis en un seul passage. De plus comparé au semis diirect, on a un outil beaucoup plus abordable, et plus pertinent en contexte climatique difficile et sur terrain dégradé. Sur la plantation en courbe de niveau, je ne pourrais pas vraiment témoigner de l’efficacité, car, malheureusement, la plupart des arbres plantés n’ont pas survécu aux sécheresses successives. Bien sûr, cette approche a ses limites, notamment en terrain très pentu. J’espère vous avoir éclairé, n’hésitez pas à poser une autre question!

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