Swales en permaculture
Transformer la pluie en richesse pour la terre
Découvre cette technique phare du design de l'eau
Les pluies, plaie ou bénédiction?
En Tunisie, l’eau est à la fois une bénédiction et un défi. Si les sécheresses deviennent de plus en plus fréquentes, les pluies, lorsqu’elles arrivent, sont souvent brutales et mal gérées. Résultat : l’eau ruisselle, emporte la terre, et finit dans la mer au lieu de nourrir nos sols.
Chaque année, le pays perd environ 25 millions de tonnes de sol fertile à cause de l’érosion hydrique. Pire encore, selon les chiffres officiels, près de 80 % des terres agricoles tunisiennes sont aujourd’hui dégradées ou menacées de l’être.
Pourtant, nos ancêtres avaient trouvé des solutions. Dans le Sud, les jessour retenaient l’eau dans les vallons. Dans le Nord et le Centre, les tabia (banquettes mécaniques) ralentissaient le ruissellement et favorisaient l’infiltration.
La permaculture propose de s’inspirer de ces pratiques, en les adaptant et en les systématisant. Parmi ses outils phares : les swales, ou fossés d’infiltration en courbe de niveau.
Qu’est-ce qu’un swale ?
Un swale est un fossé peu profond, creusé parfaitement en courbe de niveau et donc perpendiculaire à une pente. La terre extraite est déposée en aval, formant un bourrelet.
Son rôle n’est pas de drainer l’eau, mais au contraire de la ralentir, la stocker temporairement et l’infiltrer dans le sol.
Contrairement à un canal ou à un fossé classique qui évacue l’eau vers l’aval, le swale transforme chaque pluie en réserve invisible : l’eau s’infiltre, recharge la nappe, hydrate les racines des plantes et régénère le sol.
Pourquoi les swales sont puissants
Les bénéfices sont multiples :
Recharge des nappes phréatiques : l’eau infiltrée descend lentement en profondeur, là où les plantes et les puits pourront l’utiliser.
Hydratation durable du sol : même en saison sèche, l’humidité reste disponible sous la surface.
Lutte contre l’érosion : au lieu de creuser des ravines, l’eau est calmée et retenue.
Création de microclimats : la zone le long du bourrelet de terre peut être plantée en arbres fruitiers, qui bénéficient directement de l’humidité accumulée. Ou d’une haie vive, en utilisant la butte comme ligne de division de l’espace
Chiffres parlants : un swale de 100 m de long sur une pluie de 50 mm peut retenir environ 50 m³ d’eau. Sans lui, cette eau serait partie en quelques minutes, emportant parfois plusieurs tonnes de sol.
Conditions de réussite
Un swale est un outil simple mais qui obéit à des règles précises :
À installer uniquement sur des pentes légères (2 à 15 %). Trop plat : l’effet est nul. Trop raide : risque d’érosion. L’espacement entre 2 swales doit être suffisant pour collecter de l’eau sans recréer d’érosion. Entre 60 et 100m selon la pente
Suivre strictement les courbes de niveau. Le tracé doit être précis (avec niveau A, lunette de chantier, ou niveau laser).
Adapter la taille du fossé à la pluviométrie locale et à la surface contributive en amont. 
S”inspirer de la nature et ne pas dépasser 10 swales sur la même pente. 
Toujours combiner avec un couvert végétal (engrais verts, paillage, plantations) pour maximiser l’infiltration et stabiliser les berges.
A noter qu’en climat sec, la butte va s’assécher rapidement. Aussi, planter vos arbres devant la butte s’ils sont peu sensibles à l’asphyxie temporaire des racines ou après pour les plus sensibles. Les travaux se font au tractopelle, mieux vaut donc les faire en début de projet!
Notre retour d'expérience après avoir mis en place nos swales il y a 10 ans
Compte tenu que des conditions de dégradation du sol, et des problèmes importants causés par l’érosion lorsque nous avons acheté la parcelle en 2013, l’aménagement des swales a répondu immédiatement à ce problème, pour un coût assez faible. Les premières années, ils étaient régulièrement pleins d’eau.
Aujourd’hui, grâce à nos efforts combinés de régénération, les swales constituent une sécurité lors des gros événements pluvieux, en nous protégeant de dégâts dévastateurs et d’inondations non contrôlées. Elles divisent la parcelle en lot où il est plus facile de créer un microclimat et garder les nuisibles en équilibre.
Intégration dans un design global
Un swale n’est pas une solution isolée, mais une pièce dans un système cohérent.
Associer aux engrais verts et au paillage pour retenir l’humidité encore plus longtemps.- Planter la zone du bourrelet en arbres fruitiers, fixateurs d’azote ou haies vives : ils profiteront de l’eau infiltrée.
Connecter les swales à des mares ou aux routes pour diversifier les usages et maximiser la collecte : abreuvoirs pour animaux, réserve pour l’irrigation ponctuelle, habitats pour la biodiversité.
Créer une série de swales en cascade pour agir sur toute la parcelle
Exemple : sur une ferme tunisienne en pente douce, un réseau de trois swales peut transformer des pluies destructrices en une alimentation gratuite pour des haies fruitières, réduisant les besoins d’irrigation de 30 à 50 % en quelques années.
Pour aller plus loin, un guide complet pour toi 🎁
Le guide “De l’idée à la ferme” t’aide à préciser ton idée de projet et t’apporte des outils pratiques
Les swales, une technique simple à intégrer dans son design
En Tunisie comme ailleurs, le problème n’est pas tant qu’il pleuve trop peu… mais que l’eau n’est pas gérée correctement.
Les swales sont une solution simple, inspirée de la nature et de nos traditions (jessour, tabia), qui permet de transformer chaque averse en richesse pour la terre.
💡 Mais attention : un swale n’est jamais une fin en soi. Il doit s’intégrer dans un design global, combinant agroforesterie, couvert végétal et gestion fine de la topographie.
👉 En se formant à la permaculture, chacun peut apprendre à lire son terrain, tracer ses courbes de niveau, et mettre en place des systèmes qui redonnent vie à la terre tout en sécurisant ses récoltes.
Corinne Abbassi, co-fondatrice de L'ombre du palmier
L’ombre du palmier, c’est plus qu’une entreprise, c’est un choix de vie. Afin de vivre pleinement mes engagements pour un mode de vie qui ne nuit pas à la planète, j’ai choisi d’habiter à la campagne, et d’adopter une vie simple, autour d’une activité agricole, qui participe à fournir des besoins essentiels tout en contribuant à la régénération du paysage. Ce cheminement bien que personnel nécessite une transformation plus large. Et c’est pour cela que je partage avec vous mes expériences.
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